Etre brûlé : comment affronter le regard des autres ?

Le regard des autres peut être difficile à appréhender pour les personnes brûlées. Mais la perception de ce regard est intimement liée à la perception qu’elles ont d’elles-mêmes. Et c’est là tout le travail à réaliser pour mieux faire face au regard d’autrui. Explications.

Comprendre le regard des autres

Toute personne qui sort des normes sociales attire le regard. Une personne très grosse, très grande ou même très belle capte l’attention des autres. De la même façon, une personne gravement brûlée va attirer le regard d’autrui. Celui-ci est légitime. Il ne s’agit pas alors « d’apprendre » à ignorer ce regard mais plutôt d’essayer de le comprendre et d’y faire face. « On n’est pas dans l’ordre de l’apprentissage. On ne choisit pas d’ignorer à un instant T le regard des autres », explique Katia. Le regard d’autrui est souvent de l’ordre de la surprise ou de l’interrogation. « L’autre » s’imagine ce qui a pu arriver à la personne brûlée, s’identifie à elle, pose par son regard une question silencieuse qui peut même devenir très intrusive « Cela peut alors pousser le sujet brûlé à ajouter des mots au regard d’autrui, et parfois à l’interpréter de façon erronée… », explique Katia.

Souvent, la personne brûlée ne craint pas les jugements mais plutôt le fait de ne pas savoir ce qu’elle renvoie aux autres « comment me voit-on, comment me considère-t-on ? ».

Il faut avoir en tête que l’interprétation que l’on fait du regard des autres est étroitement liée à la perception que l’on a de soi. C’est alors l’image que l’on a de nous-mêmes qu’il faut travailler pour mieux accepter le regard des autres. « On ne peut pas toujours agir sur le regard des autres mais on peut le faire sur l’image qu’on a de nous-même », rappelle Katia Locatelli.

Se réapproprier son corps pour mieux faire face aux autres

« La brûlure transforme la personne concernée. Le corps a été atteint et la perception que l’on a de soi-même change. Le sujet peut vivre un sentiment d’étrangeté vis-à-vis de lui- même capable de mettre profondément en crise son sentiment identitaire » explique la psychologue. Il doit alors se réapproprier son corps et reconstruire son image de soi. Et cela passe obligatoirement par l’autre. En effet, « l’être humain ne peut pas faire ce travail seul », insiste-t-elle, « il doit se retrouver dans une relation significative avec une autre personne, qui puisse lui renvoyer et lui confirmer la beauté de son monde interne, et non pas seulement de son physique ».

La victime brûlée doit donc s’appuyer sur des personnes qui peuvent lui restituer une vraie et bonne image d’elle-même, liée à sa personnalité et pas seulement à son apparence. « Certaines relations affectives ont le pouvoir d’éloigner les fantasmes et les incertitudes liées à soi-même, qui rendent parfois le sujet très vulnérable au regard des autres… » poursuit la psychologue. Les parents, frères, sœurs, conjoints, amis mais aussi les professionnels tels que les psychologues ont donc un rôle clé à jouer. « Les kinésithérapeutes, les infirmiers et les aides-soignants aussi d’ailleurs » ajoute Katia « car par leurs soins, gestes, paroles et regards, ils ré-subjectivent le corps du patient ». Ces différentes relations permettent aux individus brûlés de se reconstruire, peu à peu, et de mieux faire face au regard des autres. Mais il faut y aller doucement.

Y aller étape par étape

Se réapproprier de son corps prend du temps. « C’est un processus qui se fait étape par étape » rappelle Katia. Il y a d’abord un deuil de son ancien corps à faire, de ses anciennes sensations, de son image passée… « D’un côté, il faut élaborer la perte, et de l’autre il faut réinvestir un nouveau corps, porteur de cicatrices, chargé d’une histoire de brûlure particulière, parfois difficile à accepter… C’est un processus graduel qui amène ensuite la personne à être plus concentrée sur elle-même que sur les autres » explique la psychologue. Il faut ainsi éviter de s’exposer à un regard trop intrusif rapidement. D’ailleurs pour éviter que cela ne soit trop brutal, des ergothérapeutes proposent aux grands brûlés, dans certains centres de rééducation, de les accompagner lors de leurs premières expositions en publique, à faire des courses au supermarché par exemple.

Investir d’autres ressources personnelles

La brûlure permet parfois d’aller puiser au plus profond de soi des ressources qu’on ne soupçonnait pas. Certains vont développer un talent, d’autres vont s’investir dans une association, certains vont même faire de leur cicatrice une force : « J’ai eu des patients pour lesquels la brûlure a été vécue comme une véritable renaissance ! L’occasion de changer leur vie, de repartir à zéro », se souvient Katia. Il s’agit ici de pouvoir donner à cet évènement un sens subjectif profond et d’en faire une « expérience féconde». « Pouvoir investir d’autres potentialités personnelles qui peuvent accroître l’estime de soi est une ressource incroyable, » poursuit-elle. Cela permet également d’attirer les regards des autres pour d’autres raisons.

« Ce qui se joue au fond à travers le regard des autres est « juste » le besoin de se rassurer sur le fait qu’on puisse être aimé quand même». C’est finalement ce que chacun cherche dans la vie… « Et évidemment, un grand brûlé peut être aimé pour ce qu’il est. Je rencontre aussi des personnes brûlées mariées, qui ont fondé une famille et qui sont très heureuses », conclut Katia Locatelli.

Merci à Katia Locatelli, psychologue clinicienne à l’hôpital Saint-Louis au Centre de Traitement des Brûlés.

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